Sujet: Isis Sam 1 Déc - 22:43 | |
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C’était il y a quelques lunes déjà, dans la ville débarqua une nouvelle famille. Un couple avec trois enfants venant de loin, ils n’étaient pas natifs du Royaume-Unis. Ces gens là étaient originaires d’Afrique, un pays inconnu dans le petit monde craintif des chats. Bref, ces Bipèdes ramenèrent avec eux un chat, leur chat. Elle se nommait Isis et était une splendide race pure, une Abyssin fauve. Elle était belle et éduquée, une chatte très propre qui était pleine depuis le début du voyage. Elle n’avait peur de rien et ce déménagement ne l’avait nullement impressionné. Elle se fit un nom dans le voisinage pour ses longues oreilles, son poil ras et son accent. Oui, elle avait une intonation dans la voix très différente. Sa grossesse fut à son terme quelques jours plus tard, quand elle donna naissance à trois chatons. Deux mâles et une femelle, avec juste un seul ayant le même pelage que sa mère. Bien sûr, les Bipèdes leur donnèrent des noms tout aussi fantaisistes. Le plus grand mâle se nomma Cream, un des enfants nomma la petite chatte Berry et le dernier, un petit mâle plutôt maigrichon, reçu le nom de Cuppy. Pourtant, alors qu’ils atteignirent les quatre lunes et que les Bipèdes recherchaient activement une famille, Isis sortit Cuppy de son jeu avec ses frères et sœurs et l’apporta dans le jardin. Elle le conduisit près de la clôture en bois et lui susurra :
« Toi, tu n’auras pas la vie de la maison. Tu seras libre, libre comme nos plus grands ancêtres. Parce que tu es le seul à porter ma fourrure. Libre, libre mon fils ! Maintenant, va. Que la grande lignée des chats tissent le fil de ton destin. » Cuppy ne comprenait pas tout mais par respect et crainte de sa mère, il obéit. Il passa la palissade et s’enfuit. Il ne lança même pas un regard en arrière, par peur de voir sa mère le poursuivre. Le seul à avoir sa couleur… Quel rapport avec sa liberté ? Dans la ville pourtant, il s’agit d’une toute autre loi. Celle du plus fort. Il commença par briser le cœur des bouchers et poissonniers en miaulant d’un air désespéré. Il gagnait facilement sa bouffe avec sa mine désemparée. Il passa à peine une semaine dans la ville, commençant même à se serrer la ceinture. Un jour, un vieux chat errant l’interpella.
« Eh p’tit ! Viens voir par ici. » Cuppy s’approcha et remarqua à quel point ce félin devait être un vétéran de la vie. Son pelage, sobre, n’était pas très aristocratique. Un chat Européen, de gouttière. Il lui manquait un doigt à une patte, le bout de sa queue était tordu, une de ses oreilles avait disparu et une de ses incisives était brisée.
« Oui monsieur ? répondit poliment le chaton. -C’est bien vrai ce qu’on raconte ? Que t’es le fils de cette femelle qui vient de loin ? -Ma maman ? Isis ? Oui, nous venons d'Égypte, pourquoi cela ? » Le vieux mâle sauta à terre et le jeune chat remarqua qu’il boitait bas. Sa hanche ou son bassin devait être totalement usée.
« T’inquiètes gamin, on raconte des tas de choses en ville. T’as pas l’air ben vieux nan ? -Ben vieux ? Eh bien… Non, en effet. -Ah ! T’as encore les boules remontées bien hautes alors ! Tant mieux, les castrés se font vite ouvrir le bide par le temps qui courent. Tu peux m’appeler Vautour. Et toi, c’est quoi ton petit nom ? » Le chaton hésita, très incertain de lui. Cuppy, pour un chat des villes, ce n’était pas des plus virils. Il secoua la tête et mentit :
« Je n’en ai pas… -Très bien, alors si tu m’permets, je t’accorde le nom de… Heum… -Félin. Félin c’est très bien. » Vautour le regarda d’un air suspect et haussa les épaules.
« Très bien Félin. Bon, je suppose que tu n’as nulle part où aller ? –le chaton secoua la tête - Très bien, alors comme je me sens d’humeur généreuse, je pense que je vais t’offrir la charité. -Comment ? Vous allez m’héberger et me nourriture ? -C’est exact, si tu donnes un minimum de toi-même. Allez viens maintenant, je vais te montrer ton nouveau nid. » Ne comprenant pas l’hospitalité de ce vieux mâle, Félin le suit tout de même. Vautour boitait bas, mais ne semblait ni inquiet, ni stressé. Il était calme et en paix. Finalement, Félin ne posa plus de questions et regarda la ville. Il était heureux de changer un peu d’air. Enfin, Vautour arriva devant un vieil entrepôt couvert de suie. Il grimpa par un escalier en fer qui longeait le mur et rentra dans une fissure. Ils arrivèrent dans un véritable appartement abandonné, avec des restes de lits brûlés. Vautour s’installa sur l’un deux et mâchouilla un os de souris.
« Mais… Pourquoi t’occuper de moi ? demanda le jeune abyssin. -T’occupes, répondit le matou, pensif. Au moins, avec moi, il ne t’arrivera rien. »
Le lendemain matin, Félin fut réveillé par un coup de patte très timide. Le chaton gémit mais finit par cesser de résister. S’attendant à trouver le visage de Vautour, il tomba nez à nez avec une femelle au visage sombre et au corps crème. Il poussa un cri de surprise et se recula. La femelle se mit à rire et miauler :
« Du calme Félin, c’est Vautour qui m’a laissé entrer. » Le jeune chat fut surpris d’entendre ce nom au lieu de Cuppy, mais se souvint qu’il avait changé au dernier moment. Il soupira de soulagement mais n’osa rien dire.
« T’inquiètes pas petit, continua la jolie chatte d’une voix douce. Je ne te veux pas de mal. Vautour est parti chasser et il m’a raconté que tu étais son petit protégé. Je m’appelle Nera. » Félin hocha la tête en guise de salut puis il observa la femelle. Très élégante et bien portante, son corps entier était beige à l’exception de ses pattes, sa queue et sa tête. Une siamoise. Ses yeux étaient d’un bleu glacé et quelle beauté ! Elle eut un nouveau sourire.
« Tu viens ? On sort d’ici. -Oui, j’arrive, finir par bafouiller le jeune chat. » Dehors, c’était lumineux, le chaton cligna des yeux pour s’habituer au soleil. Nera descendait les escaliers, suivit par le chat abyssin. Arrivés en bas, la siamoise se tourna vers lui, sans perdre de son enthousiasme.
« Alors tu es vraiment le fils de cette étrangère ? -Isis ? Oui, c’est ma mère. -On parle beaucoup d’elle dans le quartier. Qu’est-ce qu’elle est jolie ! » Félin ne répondit pas mais rougit. C’est vrai que sa maman était très belle, mais il n’avait jamais entendu personne en parler. Nera continua d’avancer jusque devant la route. Elle traversa le bitume désert et sauta sur une poubelle fermée. Le chaton se plaça près d’elle, sans oser la regarder. Finalement, il remarqua qu’un chat s’approchait. Reconnaissant sa démarche, Félin se leva et miaula :
« Vautour ! -Ah ! T’es levé, petit sacripant, grommela le matou se les rejoignant, la bouche pleine de proies. Tiens, le petit-déjeuner moussaillon. Nera, tu veux te joindre à nous ? -Non merci, répondit la chatte. J’ai déjà mangé et copieusement. Il est pas très causant ton p’tit nouveau. Tu lui as fait visiter le quartier ? -Non, pas encore. Je l’ai trouvé hier soir. Mais ça va pas tarder, tu nous accompagnes je suppose ? -Pas la peine de me poser la question, tu vas ennuyer ce petit avec tes histoires. Je viens avec vous. » Félin ne répondit pas et se contenta de mordre dans sa souris ; Il n’avait jamais gouté ça et il eut un petit cri de surprise en mordant dans une chaire tendre et délicieuse. Près le lui, le vieux chat mutilé éclata de rire. Une fois leur déjeuner terminé, les trois chats descendirent de la poubelle et marchèrent sur le trottoir. Félin était très content de visiter. Vautour lui montrait des bâtiments divers et quelconques.
« Là, c’est la poissonnerie, disait-il. Le lundi, y’a de quoi mangé. Là, on a la boutique de thé où vit un de mes amis. Et là… » Félin écoutait attentivement les paroles du chat, comme un disciple est pendu aux lèvres de son maître. Nera, elle, écoutait distraitement. Elle se contentait de trottiner doucement, calmement. Soudain, ils s’arrêtèrent devant un carrefour qui longeait des maisons. En face s’étirait la forêt dont le sombres menaçantes se rétractaient avec la course du soleil.
« Là, nous arrivons dans les maisons Bipèdes, murmura Vautour. » Félin hocha la tête et entendit un bruit. Il tourna vivement la tête et aperçut une silhouette posée sur une clôture. Un grand chat doré tigré regardait au loin. Il semblait peu commode.
« Skull, lui susurra Vautour à l’oreille. Mais à ta place je ne m’approcherais pas trop. -D’accord, répondit Félin. Et de l’autre côté de la ville, on a rien vu ! » Le vieux chat brun se raidit et Nera regarda le chaton d’un air anxieux. Félin ne comprit pas ce qu’il avait dit de mal. La chatte siamoise se pencha vers lui.
« C’est le port et… Une bande de chat sème le trouble là-bas… -Un chat du nom de Pirate, la coupa le vétéran. Une brute épaisse qui vit près des bateaux. Un chat qui règne en maître et qui a imposé sa loi. -Quelle loi ? demanda le petit, curieux. -Celle de ne jamais fréquenter sexuellement un chat domestique, répondit Vautour après une hésitation. » Félin déglutit. Pourquoi ? Il ne voulut pas poser la question tellement les deux chats semblaient gênés. Il se contenta de porter son regard sur la forêt. Skull avait disparu de la palissade et il était persuadé d’avoir vu du mouvement dans les bois. Et ça n’avait rien de végétal.
Quelques lunes s’écoulèrent depuis l’arrivée de Félin, trois précisément. Il ne s’était jamais aventuré dans le port et avait fait la connaissance de plusieurs chats errants et domestiques. Cette vie lui plaisait. Chaque jour, il gagnait en connaissance et, aussi étrange que cela puisse paraître, en sagesse. Il était un chat très optimiste et calme, il voyait la vie du bon côté. Très souvent, il allait chasser et parler avec Nera. Elle était très intelligente et forte. Elle était devenue une amie très proche, mais rien de plus. Un matin, félin se réveilla de bonne heure, avant Vautour. Il se dit qu’il allait chasser pour le vieux chat pour une fois. Le jeune chat était devenu plus grand et son pelage avait roussi. Il ressemblait à sa mère. Le matou s’enfonça dans la ville à la recherche de proies faciles. Quand soudain, l’odeur du poisson frai l’attira. On n’était pas lundi pourtant ? Il s’avança et osa même franchir l’avenue du port. Le paysage qui s’offrit à lui lui coupa le souffle. Une étendue d’eau luisante, la mer, l’océan… Le jeune chat s’approcha plus près renifla. Une odeur de poisson et de sel. Quel endroit splendide. Le sol du port pourtant était jonché d’un liquide malodorant et multicolore qui sortait à flot d’une grande caisse blanche, près des bateaux. De l’essence ?
« Tiens, mais qu’avons-nous là ? » Félin se retourna brusquement, surpris. Un imposant chat brun tigré à la longue fourrure s’approchait vers lui. Ses yeux jaunes brillaient d’une lueur cruelle et sur sa bouche s’allongeait une cicatrice rougeoyante à mesure qu’il souriant. Le grand mâle était entouré d’autres chats, tous aussi costauds et balafrés les uns que les autres. Le mâle poursuivit :
« T’es perdu petit ? Ou tu es venu nous défier ? -Moi ? Non, pas du tout, répondit calmement félin, le cœur battant. Je cherche de quoi manger. -Ah oui ! grogna le chat sans se départir de son sourire malsain. Eh bien sache que tu es sur mon territoire, gamin. Le territoire de Pirate. » Le sang du jeunot ne fit qu’un tour dans ses veines. Pirate ! Le cruel chat du port. Il aurait dû s’en douter. Ses sbires l’encadraient maintenant, près à le tailler en pièce au moindre ordre de son chef. Ce dernier s’avança.
« Cet affront ne peut rester impuni, tu es chez moi et tous ces qui entrent dans le port ont le choix entre deux morts : la noyade ou un nouveau trou d’aération dans sa gorge. -Écoutez, dit Félin. Je ne veux pas d’histoire. Je vais m’en aller et comme ça ce sera régler. -Ne crois pas si bien dire ! Tu ne vas pas t’en sortir si facilement, les poissons ont faim ce matin. » Félin se recula mais il était presque au bord de l’embarcadère. Son sang se figea dans ses veines quand Pirate bondit en avant et le faucha d’un puissant coup de patte. Félin se retrouva au sol et le matou se jeta de nouveau sur lui. Il était encadré de deux larges pattes et les mâchoires de Pirate l’empoignèrent à la nuque. L’abyssin se dit que s’en était finit de lui, qu’il allait mourir ici, bêtement. Il se voyait mort sur l’embarcadère, son sang coulait à flots dans la mer. Les yeux ouverts, les pattes étendues. Comme mort. Mais soudainement, Pirate fut repoussé en arrière et félin se retrouva sur les pavés du port, un peu sonné. Un nouveau chat venait d’apparaître au-dessus de lui. Le jeune chat reconnut instantanément Skull. Le grand mâle brun était dans la lumière, en contre-jour, mais Félin reconnaissait son imposante posture.
« Pirate, encore en train de persécuter les chatons, gronda le chat domestique d’une voix grave et caverneuse. -Skull ! répondit Pirate, fou de rage. Encore en train de te mêler des affaires qui ne te regardent pas. Cette fois tu vas le regretter de t’être introduit ici ! -Ça, je n’en serais pas si sûre ! dit une voix féminine. » En tournant la tête, Félin reconnu la belle robe crème de Nera. Elle grogna, montrant les crocs à l’autre chat. Skull s’approcha de Pirate.
« Laisse nous partir ou tu vas voir tes copains dans l’eau. Tu sais très bien comment tu as perdu face à moi la dernière fois. « Pirate hésita, son regard d’ambre passant d’un chat à l’autre. Sa fureur se lisait dans ses yeux de reptile, mais la crainte aussi. La peur de Skull… Il finit pas leur tourner le dos.
« Très bien, partez. Mais la prochaine fois que je te retrouve ici, morveux, je te tannerais moi-même. » Les chats du port déguerpirent aussitôt. Félin se releva, aidé de Nera et se rua vers l’allée de sortie, suivi de près par la siamoise. Vautour les attendait près de la benne à ordures, tournant en rond. Quand il les vit, il courut vers eux malgré son boitillement et foudroya Félin du regard.
« Mais où étais-tu ? le sermonna le vieux chat. Je t’ai cherché partout ! -Près du port, répondit Nera. Pirate était en train de le menacer. -Heureusement, je suis arrivé à temps. » Le regard du vieux chat brun s’obscurcit en fixant un point derrière Félin. Ce dernier se retourna et vit Skull. Mais il vit alors le côté gauche de son visage qu’il n’avait jamais vu. La moitié de son visage avait la fourrure arrachée et son œil avait quasiment disparu. Un collier rouge était serré autour de son cou et ses yeux jaunes-verts regardaient intensément le jeune mâle abyssin.
« Mais je l’ai sauvé, conclut le chat domestique. -Merci, dit Vautour d’une voix glaciale. « Skull inclina la tête et partit. Nera se prépara à le suivre quand Félin la rappela :
« Tu ne restes pas avec nous ? -Laisse, rétorqua Vautour. » Félin se prépara à répondre, voulant que Nera reste avec lui. Mais Vautour lui lança un regard courroucé, l'abstenant de toute réponse. Il se contenta de regarder les deux chats partir et resta près du vieux chat. Ce dernier soupira et lui dit :
« Il faut que tu laisses Nera et Skull ensemble. -Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a de si particulier à les laisser bavarder en privé ? -Tout simplement parce que Skull est le compagnon de Nera mais qu’ils ne peuvent pas avoir de petits à cause de Pirate. Même si Skull n’a pas peur de Pirate, il a peur pour elle. »
Félin eut un hoquet de surprise. Skull était donc le compagnon de Nera ? D’un coup, il se sentit jaloux.
Pendant quelques nuits, Félin se sentit troubler par Pirate et par le couple de Skull et de Nera. Pourtant, il ne disait rien. Un jour, Vautour était assit à l’entrée, se léchant une patte.
« Debout moussaillon, dit le vieux chat. Je vais trouver de quoi manger ce matin, tu es libre de faire ce que tu voudras. Mais interdiction d’aller vers le port. » L’abyssin ne répondit pas à cette provocation, il suivit le chat brun et parti dans la direction opposée. Il voulait aller vers le centre de la ville pour une fois. Ses pattes le menèrent vers un endroit peu fréquenté des Bipèdes. Mais quelle importance ? Les humains ne le faisaient pas peur. Il traversa la route, paisiblement.
« Jeune chat qui traverse la chaussée, l’ignorance accidente sa naïveté. » Félin tourna la tête, surpris par cette nouvelle voix. Devant la vitrine d’une bibliothèque se tenait assit un vieux matou blanc, sûrement du même âge que Vautour. Ses grands yeux bleus riaient et son sourire s’étendait. Et vu sa belle fourrure brossée, il n’était pas errant.
« Excusez-moi, je ne pense pas vous avoir compris, s’excusa Félin. -Ce n’est pas bien grave, répondit le chat blanc en descendant de la fenêtre. Tu ne seras pas Félin par hasard, le protégé de Vautour ? -C’est bien moi, en effet. -Ah, très bien, très bien… Il fait bien froid ici, rentre donc. » Félin se prépara à refuser mais le chat immaculé était déjà rentré par une chatière. L’abyssin le suivit et entra dans une salle chauffée aux multiples livres rangés sur des étagères. Quelques clients lisaient les couvertures mais ne faisaient pas attention à eux. Le chat blanc se mit à l’écart, sur une chaise et se coucha dessus. Félin sauta sur une chaise voisine, faisant face au vieux matou.
« Je m’appelle Page. Je suis le chat du bibliothécaire. Beaucoup te connaissent dans le quartier, fils de l’étrangère qui a abandonné ses maîtres pour vivre libre. -Je suis au courant, page. Je suppose que je deviens populaire. -Tu peux t’en sentir fier. Mais Pirate t’a aussi remarqué. Pour lui, tu es le protégé de Skull et tu es donc un ennemi. -Comment savez-vous ça ? » Page eut un petit rire et gratta la paille tressée de la chaise. Il semblait fatigué, mais à la fois très sage. Il reprit de sa voix usée par l’âge :
« Je le sais, c’est tout ; Ton ami vautour a fait répandre la nouvelle. Tu es en danger… Mais pour moi, tu es plus que fascinant. Je suis heureux de te rencontrer à ce jour. Est-ce que tu sais que tu fais parti d’une race très noble ? -Non… Non, je ne comprends pas. Pourquoi me dites-vous cela ? -En fait, j’espérais que tu viennes me voir. Vautour ne s’en est pas donné la peine ? Ne lui dit pas que tu m’as vu hein ? » Félin acquiesça et le chat blanc lui sourit en retour.
« Tu fais parti de la race des abyssins… Une des premières races du monde. La race bénie de l'Égypte ancienne. Tu ne connais sûrement pas, moi-même je l’ai appris avec la culture de mon maitre. Tu fais partie de la noble race de félin, la Felidae. -Felidae ? Ce ne serait pas Félidé en latin, non ? -Précisément. Tu es bien noble pour vivre dans la rue. Mais cela ne me concerne pas. Je… je voulais te parler d’une chose plus importante. Ecoute-moi attentivement. Ta place n’est pas dans la ville, elle ne l’a jamais été. De un, parce que tu es le seule représentant de ton espèce ici et de deux, parce que si Pirate l’apprend, tu seras tué ! Vautour t’en dirait sûrement plus que moi mais… La meilleure chose à faire pour toi, c’est de rester près de Skull et de la forêt…. -Que veux-tu dire Page ? demanda félin, inquiet. Pourquoi ? -Skull n’est pas vraiment un chat comme les autres. Il a un passé houleux et très flou… Mais tu dois connaître cette vérité. Pas maintenant, mais je sais que tu n’es pas d’ici. La forêt abrite une espèce bien particulière que tu te dois de comprendre. » Félin écarquillant les yeux, ne comprenant pas les paroles de Page. Mais ce dernier se levait déjà pour s’étirer.
« Bref, tout ça pour ça. Félin ? Quel nom étrange et disgracieux tu ne trouves pas ? -Si vous le dite… murmura pensivement l’intéressé. -Felidae ne serait pas plus approprié ? » En regardant le chat de bibliothèque, l’abyssin remarqua une lueur d’amusement dans ses yeux. Une lueur de malice. Page devait être un chat intelligent, il savait ce qu’il disait. Felidae… Un nouveau nom qui lui plaisait bien.
« Il est temps pour toi de partir. Désolé de t’avoir interrompu dans ta course, mais je n’aime pas être dehors. Allez file -D’accord, merci Page ! » Felidae s’engouffra par la chatière et s’en alla en courant. Il était fier et se sentait puissant. Seul représentant de son espèce, il allait faire naitre son culte.
***
Assit sur le toit, le regard de reptile suivant la course du rouquin, Pirate se dressa fièrement. Sa fourrure brune voletait dans le vent. Un chat noir moucheté de blanc sur le visage le rejoignit et lui murmura quelques mots inquiétants à l’oreille. Les moustaches du félin tyran remuèrent et il déclara d’une voix grave :
« Page lui en a dit beaucoup trop… Très bien, ce Felidae n’a pas sa place parmi nous. Laissons le temps passer et nous verrons. De toute façon, son avenir est tout tracé. Affutons nos griffes et préparons-nous. Car Vautour va y passer aussi. » Son sourire mauvais réapparut sur son visage de glace. Ce sourire signifiant qu’il allait tuer. Pour le simple plaisir de verser le sang.
Et cinq lunes s’écoulèrent dans la froideur de l’hiver. Mais au printemps, Felidae s’était réveillé grand et fort. Dans la fleur de l’âge, un adulte fier et conscient de sa puissance. Il était assit sur cette même benne à ordure, attendant comme chaque matin le réveil de Vautour. Le chat se faisait plus vieux et plus fatigué chaque jour. Mais il arrivait à chaque fois, boitillant bas vers lui.
« Descend de là ! grogna le vieux mâle. On va chasser le rat pour une fois. -J’arrive. » Felidae sauta de la poubelle et suivit son professeur. Il faisait froid ce matin, mais le redoux de la belle saison se sentait. Bientôt Vautour avança plus vite et se remit à parler.
« Mais oui, mais oui ! dit-il avec un ton solennel. J’ai perdu mon oreille face à un rival. Quant à la queue et au bassin, un humain. Mais le pire va rester la patte. Crois-moi, se faire mordre par un rat, ça laisse des traces… » Felidae devait entendre cette histoire pour la troisième fois, mais ne se lassait pas. Il aimait tellement comment son mentor divaguait. Et puis, ça devait lui faire plaisir d’avoir un public. C’est normal, il était vieux après tout. Soudain, une odeur familière frôla ses narines et il reconnut Nera. Elle sautait d’un mur en brique, l’air affligé.
« Nera ! miaula Felidae. Un problème ? -Un gros problème, dit la femelle, soucieuse. Hector, le chat de la poissonnerie, assassiné. » Felidae lança un regard vers Vautour. Le visage de ce dernier s’était décomposé à l’annonce du nom. Hector était un de ses amis de longue date. L’abyssin ne l’avait pas connu, mais son vieux maitre lui en avait beaucoup parlé.
« Hector… Non… Quelle ordure, quel salaud a bien pu faire une chose pareille ? - Pas la peine de te poser la question, siffla Nera. Pirate, son odeur est partout, il a marqué les lieux du crime. Venez, on va voir. » Vautour ne dit rien, mais emboita violemment le pas de Nera. Le jeune chat roux suivit sans mot dire. Ils traversèrent la longue rue pavée, longeant le port. Devant la poissonnerie s’étaient affairés de nombreux chats. Felidae reconnut parmi eux Page, le vieux mâle blanc, penché sur un corps. Un matou gris et noir était allongé, une longe entaille sur la trachée. L’os blanc était visible, même lui avait été entaillé. Du sang coulait entre les pavés et les yeux du chat étaient révulsés. Felidae détourna le regard, dégouté.
« Non, Félin ! dit une voix grondante derrière lui. Regarde bien ce cadavre ! » Il se retourna. Pirate se tenait derrière lui, bien droit. Vautour se retourna et cracha. Un autre chat suivait le sanguinaire. Un mâle noir et blanc que Felidae n’avait jamais vu. Pirate continua, toujours souriant :
« Regarde bien ce qui arrive quand on me manque de respect ! Un trou supplémentaire dans sa gorge. -Sale pourriture ! fulmina Vautour. Rappelle-moi quand est-ce que Felidae t’a manqué de respect ? -Felidae ? Un nom d’incognito ? Mouais… grogna Pirate. Bref, ta mémoire flanche Vautour. C’est très simple, le jour où il s’est introduit sur mon territoire, je ne me suis jamais vengé. Mais ne t’inquiètes pas mon petit Felidae, viendra le jour où ta race s’éteindra pour toujours ! » Felidae frémit, mais se rendit compte que le tyran ne le regardait pas lui. Il fixait froidement Page qui s’était reculé. Page ! Il avait dû être entendu par Pirate ! La foule se dispersa et Pirate repartit avec son subalterne. Nera les regarda partir, sans aucune sympathie dans ses yeux.
« Pirate n’est qu’une brute ! s’exclama la femelle. Et puis, ce n’est pas lui qui a tué Hector. D’après un voisin, c’est Drew qui a fait le sale boulot. -Le chat noir ? demanda Felidae. -Oui, répondit la siamoise. Il fait le sale boulot pour Pirate. Mais personne ne les a jamais vus tuer… » Felidae baissa la tête, peiné. C’était de sa faute si Hector s’était fait tué. Il abandonna Nera et Vautour qui allaient ramener le chat à la poissonnerie pour que son maitre le voit et descendit l’allée. Il ne voulait pas rentrer, son esprit était trop embrumé. Ses pattes le menèrent devant la forêt et près des maisons Bipèdes. Il s’essaya sur le trottoir et regarda les bois, cherchant une réponse parmi les arbres. Quel genre de chat vivait ici ?
« Tu viens de voir Hector ? demanda Skull. » Le grand chat brun tigré et balafré s’approchait de Felidae. Son regard vert-jaune fixait intensément l’abyssin. Il s’assit près de lui, regardant à son tour la forêt.
« Cerfblanc, c’est comme ça qu’elle s’appelle cette forêt, dit le grand mâle de sa voix rude. -Tu connais la race de chat qui y vit toi ? -Une race de chat ? s’exclama le chat domestique. Non, pas une race, des races. Ils sont sauvages, divisés et se battent sans merci. » Felidae soupira. Alors la violence ne régnait pas seulement dans la ville. Dans la forêt aussi subsistait la loi du plus fort. Puis les paroles de Page lui revinrent. Il hésita un moment et murmura à Skull :
« Tu as vécu là-bas ? -Pourquoi tant de question Felidae ? Ça ne te regarde pas. -Parce qu’un jour, je devrais partir, Skull. Si je reste dans la ville, je mourrai. » L’imposant tabby regarda l’abyssin. Il n’était pas surpris, mais anxieux. Peut-être le savait-il déjà que Felidae était sans cesse menacé par Pirate. Il sembla hésiter puis commença son récit :
« Quatre Clans de chats se partagent la forêt. Le Tonnerre, la Rivière, le Vent et l’Ombre. Moi, je vivais dans ce dernier sous le nom de Cœur de Bois. Nos noms devaient être composés. Comme dans la ville, interdiction de flirter avec une femelle d’un autre Can, même une solitaire. Moi je pensais tenir jusqu’au bout, mais j’ai été séduit par Nera. Je pensais vivra incognito, sans même avoir des petits avec elle. Mais… Quand j’ai appris la menace pesante de Pirate, j’ai compris qu’elle était en danger. Je suis parti de mon Clan sans le dire et j’ai rencontré ce Pirate. Il m’a menacé de ne plus revoir Nera, je ne me suis pas soumis. Ce barbare m’a jeté par-dessus le pont de l’embarcadère sans que je m’en aperçoive et j’ai heurté violemment le bord d’un bateau. Voilà comment j’ai perdu mon œil. Un Bipède m’a retrouvé au bon moment, mon Bipède. Un vieil homme solitaire. Je lui suis reconnaissant alors je suis resté… -Mais… Skull, je ne comprends pas ! Pour Pirate te craint-il alors ? -Parce que je me suis battu contre lui à plusieurs reprises et je le menaçais de le tuer. Je gagnais chaque combat grâce à mon apprentissage de guerrier que j’ai eu dans la forêt. -Alors pourquoi ne pas le tuer ? -Le Code du Guerrier. J’y suis attaché depuis toujours et il interdit formellement de tuer quelqu’un. » Felidae baissa la tête. Il comprit mieux maintenant. Voyant que Skull allait repartir, le jeune chat se leva et lui barra la route.
« Attends ! Une dernière chose, si jamais Pirate mourrait, tu penses que je pourrais rester ? -Non, Felidae. Tu dois partir, comme l’a dit Page. -Comment le sais-t… -Je le sais, le coupa le chat domestique d’un ton courroucé. Même si je suis détaché du Clan des Etoiles, je peux comprendre les autres que des membres de Clan. Et ta place n’est pas ici. » Skull repartit vers son jardin, laissant Felidae seul. Partir, oui, mais pour aller où ?
Le lendemain matin, Vautour était revenu, plus peiné que jamais. Felidae chassa pour lui, mais le vieux chat ne mangeait pas beaucoup.
« Ce pauvre Hector, disait-il. Son Bipède a beaucoup pleuré quand il l’a vu… Mais il n’accuse aucun chat errant. -Il faut que tu mange, lui murmura Felidae. Il faut reprendre des forces, j’ai chassé du rat pour toi. » Le vieux mâle leva sa pauvre tête mutilée face à lui. Son regard jaune luisait, rappelant à Felidae un reptile allongé au soleil.
« Merci Felidae, tu es comme un fils pour moi. -C’est naturel tu sais, c’est toi qui m’a accueilli au départ. -Oui mais… Tu sais, j’ai moi-même eu un fils étant plus jeune et je n’ai pas… » Il fut soudainement coupé par un bruit de chat dévalant les escaliers. Nera apparut devant eux, le visage déformé par l’angoisse. Elle semblait au bord de la crise d nerf.
« Felidae, Vautour ! Oh mon Dieu j’ai un terrible problème ! » La siamoise se jeta en avant, tout près d’eux. Elle s’allongea sur le flanc, à bout de souffle. Les poils de Felidae se dressèrent sur son échine mais il n’osait rien dire. La chatte secoua la tête et dit :
« J’attends des petits ! -Comment ! hurla Vautour. Mais depuis combien de temps ? -Un moins d’après Page, je me disais que j’avais pris du ventre. Mais qu’est-ce que je vais faire ? Skull est au courant mais si Pirate le sait, je vais me faire tuée ! » Nera fondit en sanglot devant eux et Felidae releva brusquement la tête. Il fallait la mettre à l’abri. Vu le regard de Vautour, il eut la même idée. Les trois chats sortir prudemment de la maison abandonnée et se dirigèrent vers la ville. Skull les attendait, la queue gonflée par l’angoisse.
« Vous voilà ! appela-t-il. Je ne peux pas emmener Nera dans ma maison, elle pourrait se faire avoir et mon maitre n’a pas assez de place. -Alors où ? demanda vautour. Chez nous, l’odeur de la maternité serait forte et Pirate sait que tu es en couple avec elle. -Moi je sais, dit calmement Felidae. » Tous les regards se tournèrent vers lui. Le matou déglutit et dit à voix basse :
« Isis, ma mère, pourrait l’héberger. Mes maitres recueillaient parfois des chats malades, le père est vétérinaire. -Tes anciens maitres ? dit Nera avec une touche de gratitude dans la voix. Oh oui, ce serait merveilleux, merci du fond du cœur Felidae ! » Skull hocha la tête, rassuré. Seul Vautour ne dit rien. Ils traversèrent les jardins et Felidae le revit, son jardin à lui. Rien n’avait changé. Tout était comme avant. Silencieusement, il se glissa dans les fourrés et appela le nom de sa mère. Pas de réponse. Il patienta, il savait qu’elle était là. Un instant plus tard, une belle femelle abyssine apparut, sa mère.
« Cuppy ! s’exclama-t-elle. Mon bébé, mais… Que fais-tu ici ? -Maman… Comme je suis heureux de te revoir… Je me nomme Felidae à présent et voici mes amis. -Fe-li-da-e ? dit sa mère en hachant les mots. Mais… Mais… Tu n’aurais pas dû revenir ! » Felidae ne l’écouta pas et lui parla de ses soucis. Il parla de Pirate, d’Hector, de la grosses de Nera et Isis hocha la tête.
« Pirate, oui je sais qui c’est… -Alors, tu veux bien t’occuper de Nera ? demanda impatiemment Skull. -Bien sûr, rétorqua Isis en soutenant le regard orgueilleux du tabby. Viens avec moi Nera, mais dès qu’elle aura ses petits, elle devra partir ou mes Bipèdes seront contraints de les tuer. -pardon ? s’exclama Felidae. -Ton frère et ta sœur ont été tués après ton départ. Nos maitres n’ont pas trouvé d’humains pour les garder. Trêve de bavardage maintenant, cette chatte a besoin de repos. » Isis se recula et laissa Nera avancer. Cette dernier donna un coup de langue a son compagnon et suivit Isis sans mot dire. Felidae soupira et se retourna. Il aurait préféré ne jamais revoir sa mère, maintenant il avait peur de vouloir revenir.
***
Les jours passèrent vite pour Felidae qui passait une fois par semaine rendre visite à Skull et Nera. Sa grosses se passait bien et ses Bipèdes s’en occupaient très bien. Cependant un jour, alors que Felidae se préparait à partir chasser près de la benne à ordure, il entendit son nom et vit qu’Isis accourait vers lui. Sa belle robe fauve était tachée de sang et son museau était entaillé.
« Maman ! Maman que s’est-il passé ! -Mon petit Felidae, se lamenta sa mère arrivée à son niveau. Mes maitres se sont absentés et… Et ils ont laissé les fenêtres ouvertes mais… Mais Nera a commencé à avoir des contractions. Un chat noir s’est introduit dans la maison, m’a battu et a emmené Nera. -Drew ! » Sans attendre plus longtemps, il abandonna s mère et remonta l’allée. Son sang bouillait dans ses oreilles tandis qu’il arrivait au port. Il entendit un hurlement déchirant, celui de Nera. Il passa les embarcadères et trouva Nera allongée, encore en vie mais couverte de griffures. Elle mettait bas ! Penché sur elle, Pirate fulminait des insultes incompréhensibles et se préparait à la torturer encore et encore.
« Pirate ! Laisse-la tranquille ! hurla l’abyssin. » Le tyran releva sa tête vers lui, ses yeux de serpent luisaient de cruauté. Il eut un sourire mesquin et reposa sa patte à terre.
« Tiens ! Mais Felidae est de retour par minou ! » Les subalternes de Pirates se mirent à rire. Leur chef s’assit tranquillement au sol pendant que Nera continuait son difficile travail. Il se passa un coup de langue sur le poitrail et lança :
« Tu viens pour protéger ton amie pas vrai ? -Laisse-la tranquille, cracha le rouquin. Tu t’en prends à une femelle seule et en faiblesse. Tu n’es qu’un lâche ! -Oui, oui je suis un lâche. Mais au moins, ça marche. Tu veux un combat à la loyale ? Parfait. Drew, je t’en pris. » Felidae recula d’un pas en voyant un mastoc, un colosse se poster devant lui. Le grand chat noir était plus glacial que le vent d’hiver et plus terrifiant qu’une nuit sans étoiles. Drew sortit les griffes et sans prévenir, il se jeta sur le jeune chat.
Felidae reçut le chat errant en plein front. Mais il se releva aussitôt et revint au combat. Pourtant, il était très vite surpassé. Le grand noiraud lui envoyait une rafale de coups puissants et imprécis. L’abyssin sentit du sang couler sur son épaule et sur sa joue. Il donnait lui-même des coups au hasard et ne faisait plus la distinction entre le ciel et le sol. Le matou bicolore l’attrapa alors par la peau du cou et le jeta en direction de l’embarcadère. Par la force du désespoir, Felidae s’agrippa au bord, tout son arrière-train pendant dans le vide. Drew s’approcha de lui, près à le faire tomber. Mais un éclair brun frappa le mâle noir qui passa par-dessus Felidae avec un miaulement plaintif et tomba dans l’eau. L’abyssin ne le vit pas remonter à la surface. Un chat l’attrapa par la peau du cou et il revint sur le sol. Vautour ! Le vieux chat usé regardait vers Pirate, l’œil brillant. Ce dernier s’était avancé, furieux.
« Vautour ! Espèce d’empêcheur de tourner en rond, c’est bien la dernière fois que je te vois ici. » Les sbires de Pirates l’encadrèrent. Derrière eux, Nera continuait d’hurler à l’agonie, mais le chef errant n’en menait pas large. Au moins six chats étaient face à Felidae, c’était perdu d’avance.
« Voilà ce qui arrive quand je suis énervé, feula Pirate. Vous avez signé votre arrêt de mort. -Pirate, dit Vautour. Imbécile, sale morveux et j’en passe. Tu serais prêt à tuer ton propre père ? » Felidae eut un hoquet de surprise et regarda son maitre. Mais oui ! Il aurait dû s’en douter depuis le début. Avec ses , ses regards fuyant quand ils parlaient du tyran, ses yeux reptiliens et sa fourrure brune. La discussion avait été coupée par Nera, mais c’était logique. Pirate n’était pas surpris, seuls ses sbires parlaient tout bas entre eux. Le grand mâle brun leva la tête et grogna :
« Oui, j’en serais capable ! Cette chatte domestique que je qualifiais de mère m’a rejeté à la rue, au même titre que mes maitres. Les chats domestiques sont des faibles, des bons à rien. Il nous faut du sang pur dans la ville, pas du mêlé. Nous sommes des Clans maintenant, nous devons respecter la règle. Le Clan du Sang avait donné le bon exemple. Fléau était un grand ! -Fléau n’était pas un grand, rétorqua Vautour. Moi qui ai été sous son commandement, j’ai vu des amis mourir, j’ai perdu tant. Et la ville aussi. -La ferme ! rugit Pirate. Ferme-la petit con ! Ferme-la ! Tu vas mourir pour avoir salit son nom. Tu n’es pas digne d’être mon père ! » Pirate se jeta sur Vautour et les deux chats roulèrent sur le bord de l’embarcadère. Felidae voulut l’aider mais deux chats lui barrèrent la route et trois autres s’approchaient dangereusement. Il allait mourir. Mourir ? Comme si sa pensée avait été entendue, un feulement se fit entendre et trois chats apparurent derrière eux. Skull, Isis et Page ! Ils se jetèrent violemment sur quatre chats et le dernier fut servi pour l’abyssin. Un mâle famélique gris et blanc. Felidae n’hésita pas et se rua sur lui. Il lui griffa l’œil, lui mordit la nuque. L’autre était désemparé, il ne savait pas quoi faire. Felidae était mû d’une rage sans limite et l’envoyait valser dans le décor. Malheur ! Le chat bicolore se cogna contre une caisse de cargaison et fit tomber la lampe à huile qui reposait dessus. Celle-ci chuta sur une mare de fioul qui gisait comme d’habitude sur le port et s’enflamma ! Le chat bicolore s’enfuit immédiatement, suivi par un autre de ses camarades. Felidae s’ébroua et courut vers Nera. La pauvre femelle était essoufflé et sur son flanc était blotti deux chatons minuscules. Il fallait la sortir de là ! Isis apparut près de lui et lui murmura :
« Va aider les autres, je m’occupe d’elle. Je l’emmène plus loin, ne t’inquiète pas ! » Felidae hocha la tête et partit aider ses amis. Skull et Page repoussait les derniers et… Ou étaient Pirates et Vautour ? Soudain, il les vit. Pirate s’éloignait à grands pas du braiser, vers Skull. Vautour ! Le chat brun était allongé, près de l’embarcadère, baignant dans son propre sang. L’abyssin le rejoignit.
« Vautour ! Oh non… Vautour… -Felidae, murmura faiblement le chat. Il ne faut… Pas que tu restes ici… -Je ne t’abandonnerais pas dans les flammes ! -Si, il le faut. Page m’a parlé et… Et il m’a dit qui tu étais… Tu dois partir et me laisser. Tu as été un fils pour moi… mais mon heure à sonner. Fuis… Fuis je t’en prie, ne reste pas ici… Tu es… Le seul qui puisse sauver… les enfants de Nera… » Felidae versa des larmes silencieuses sur son professeur et tenta de le secouer. Mais le vieux chat laissa retomber sa tête en arrière. Il était mort. L’abyssin recula, sous le choc. Mort ! MORT ! Il recula encore pour ne pas se faire happer par le feu qui mangeait et consumait déjà le corps du vieux chat errant. Felidae entendit alors un bruit de bataille. Il devait aider Skull malgré son chagrin. Les sbires avaient disparu et page aussi. Skull se battaient contre Pirate au milieu du brasier. Le rouquin les rejoignit et donna un coup de rang au tyran qui vacilla mais se mit sur ses pattes arrières pour les frapper plus fort. Skull se débrouillait bien mais ils étaient trop près de l’eau. Felidae eut alors une idée. Quand Pirate essaya de le toucher, l’abyssin se baissa, donna un coup de tête dans le ventre du chef et se cabra pour le faire passer par-dessus lui. Pirate poussa un cri de surprise mais ne réagit pas. Il passa par-dessus le bord, se frappa contre la proue d’un bateau et tomba dans l’eau. Felidae s’assit sans regarder la mer, complètement épuisé. Près de lui, Skull était à terre, respirant faiblement. L’abyssin l’attrapa par la peau du cou et le tira hors du brasier. Tout était flou autour de lui. Des humains étaient apparus, essayant d’éteindre le brasier. Flou… Il tomba.
De la lumière. Beaucoup de lumière. Un chat doré très clair en face de lui. Un abyssin ? Oui. Un chat égyptien ? Non. C’était un chat fait d’étoiles et de poussière. Il avait mal à la tête et aux yeux mais il était conscient. Le chat lumineux se pencha sur lui et murmura des paroles inaudibles. C’était un chat étoile. Un guerrier de jadis. Un ancêtre.
Felidae se réveilla, complètement sonné. Il était allongé sur le lit en partie calciné de la tanière. Il respirait. Son cœur battait. Et des chats étaient assis autour de lui. En ouvrant mieux les yeux, il reconnut Isis, Page, Nera et un autre chat qu’il ne connaissait pas. Il remua faiblement et releva la tête. Le museau de sa mère toucha son front.
« Shhh… Ne bouge pas, tu es blessé. -Maman ? Où suis-je ? balbutia-t-il même en connaissant la réponse. -Dans la tanière de Vautour, dit Page. On t’a retrouvé avec Skull, à moitié mort sur le port. On t’a sauvé à temps. -Skull ? murmura-t-il. Il est là ? Nera… Nera, tu es vivante ? -Oui, je suis en vie, dit calmement la siamoise. Mais Skull a respiré de la fumée… Il est mort, mais c’est étrange, toi, tu étais intact. » Felidae cligna des yeux. Skull était mort ? Il regarda son épaule. Pas une plaie. Même sa tête était guérie. Le chat étoile l’avait donc soigné ? Puis il entendit un miaulement très faible. Il tourna la tête. Sur le lit de Vautour étaient blottis trois chatons. Ceux de Nera. Il sourit. Puis il murmura :
« Au fait, qui est ce chat ? -Quel chat ? demanda Page. » Felidae tourna brusquement la tête vers eux. Le quatrième chat avait disparu ! Il devenait fou ? Non, il était fatigué. Il se rendormit. Le lendemain matin, Felidae se réveilla seul, la gorge sèche. Il but une flaque d’eau qui s’était formée à l’extérieur et descendit les escaliers. Par habitude, il sauta sur la benne à ordure, mais Vautour ne vint pas. Nera non plus. A la place Page le rejoignit, tranquille. Son beau pelage blanc était taché de suie. Il sourit.
« Felidae, quel nom magnifique pour un si jeune chat. -Page, comment va Nera ? Et ma mère ? Et toi aussi. -Tout le monde va bien… Mais Nera veut te parler. Avant, c’est moi qui doit te parler. Tu sais, j’ai été peiné d’apprendre la mort de Vautour mais ça ne m’étonne pas. Je lui ai parlé de notre entrevue avec toi, quelques mois plus tôt. Il pense comme moi que ta place n’est pas ici. -Mais Pirate est mort ! Je peux vivre avec vous ? -Non Felidae. Moi-même je connaissais la forêt des Clans même si je n’en faisais pas parti. Skull m’en a parlé. Et… Je pense que ton rôle n’est pas de rentrer dans un Clan mais de surveiller. -Quoi ? -Viens avec moi. » Felidae suivit Page qui s’engouffrait dans un jardin. Ils arrivèrent sur l’ancien jardin de Felidae où Isis et Nera discutaient, toutes les deux. Sa mère, encore blessée mais en forme, hocha la tête et Nera s’approcha de l’abyssin.
« Felidae ! Je suis contente de te voir vivant. J’ai eu si peur pour toi. -Nera, la coupa Page. Il faut que tu lui dises maintenant. On ne doit pas attendre plus longtemps. » La siamoise hocha la tête et reprit d’une voix plus sérieuse :
« Skull et moi avions eu une discussion avant la naissance de mes trois petits. Il voulait qu’ils aillent vivre dans les Clans pour ne pas vivre dans l’ignorance et la souffrance de la ville. Et… Il voulait que ce soit toi qui les intègre. -Moi ? Mais… Mais pourquoi ? » Isis s’approcha à son tour et murmura :
« Simplement parce que tu un membre de la Felidae, un chat ancêtre comme on les appelle. Si tu intègres ces chatons, ton geste sera symbolique. -N’as-tu pas vu quelque chose récemment qui te pousserai à croire à cette légitimité ? demanda page sur un ton mystérieux. » Oui, le rêve du chat étoile. En regardant page, Felidae comprit que le vieux mâle devait être au courant depuis le début. Pourquoi cette certitude ? L’abyssin ne le savait pas. Il finit par céder :
« Très bien… mais dans quel Clan devrais-je les intégrer ? -Celui de leur choix, dit Nera. Je les garde encore une lune et tu les emmèneras loin. Voici leur nom –elle présenta les chatons- les deux mâles se nomment Toxique et Poison. La femelle, Acide. » Trois chatons, trois frères et sœurs. Felidae leur sourit. Et la lune passa très vite, les trois chatons furent assez grands pour que Felidae les emmène. Isis était retournée chez elle, heureuse de s’être de nouveau battue. Page retourna à la bibliothèque où il éclaire de nombreux chats et Nera… Personne ne revit Nera, la siamoise partit loin. Peut-être est-elle morte. Quant à Felidae il emmena les chatons à Cerfblanc pour qu’ils choisissent leur Clan comme ils le souhaitent.
***
Dans le port, les bateaux reprennent allure malgré l’incendie dernier. Les humains pêchent de nouveau. Mais sur un pont se hisse difficilement un grand chat brun, à la longue fourrure emmêlée. Il est resté sur ce pont une lune entière, le temps de récupérer. Mais maintenant, son regard fauve balaye le port. Il est furieux, une colère noire l’abrite. Les Clans ! Maudits soient-ils. Pirates !
Votre chat Son Nom: Isis Son Âge: 40 lunes Son Clan: Chatte domestique Son Grade: / Son Sexe: Femelle
Son Apparence physique(minimum 3 ligne): Abyssine fauve, yeux ambrés (les autres détails sont à choisir)
Son Caractère(minimum 3 ligne): Sérieuse - Courageuse - Forte-tête - Libre - Fidèle - Connait le Clan des Étoiles - (+)
Son Histoire(minimum 5 lignes): A inventer par rapport à son passé et/ou après le départ de Felidae
Sa Famille(facultatif):
Fils; Felidae
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| Rouge-GorgeNix Guerrier repentiMessages : 735 Date d'inscription : 05/11/2011 Age : 29 Localisation : Perchée sur un nuage °w°
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