Le camp du Tonnerre devait se reconstruire, mais, en attendant, il devait restait près des Rochers du Soleil, les terres de Etoile de Cristal. En espérant qu’elle ne s’en rende pas compte avant quelques temps. Le clan n’avait vraiment pas besoin d’une attaque ennemi ou d’être condamné à l’errance. Et c’était Mûre Sauvage qui devait superviser les chantiers. Elle était lieutenante, c’était normal, mais dans ces circonstances, c’était plutôt compliqué. Le clan était meurtri, tant de chats étaient morts pendant cet affreux incendie. Trop de morts. Et Etoile de Clarté, il était blessé et –contre son gré-, il avait été obligé à rester dans la « tanière » de Tornade de Luciole.

Aujourd’hui, elle devait se rendre à l’ancien camp, en reconnaissance, en compagnie de Pluie Etoilée. La lieutenante n’appréciait pas tout particulièrement la guerrière, mais ce n’était pas elle qui avait décidé ni organisé la patrouille. C’était Etoile de Clarté. Si ça avait été elle, elle aurait choisi un félin avec qui elle s’entend bien, qu’elle aime bien. Euh … Aile du Faucon ? Enfin, vous voyez ce que je veux dire !
Les yeux un peu larmoyants, elle sortit du camp en trottinant, pas très vite. Elle était la seconde du clan, elle se devait de montrer l’exemple, de prouver qu’elle était forte. Mais en ce moment, c’était beaucoup plus dur. Quand une larme tomba, elle accéléra, en reniflant et se calmant. Quand elle allait se retrouver devant la femelle tigrée, il ne fallait pas qu’elle soit en larme. Bien que la destination ne soit pas des plus joyeuses. Mais elle pourra tout de même pleurer en disant que ce sont les cendres …

Bientôt, elle arriva à ce qu’il restait du camp. Mûre Sauvage éternua. Des quantités incroyables de cendres tombaient des arbres qui avaient été épargnés par le feu. La lieutenant eut soudain une boule au ventre et la gorge serrée. Le camp dans lequel elle avait grandi n’était en ce moment plus. Çà et là on pouvait même encore voir des corps calcinés. C’était affreux. Contre son gré, une larme coula sur sa joue. Elle vit la silhouette de Pluie Etoilée à travers sa vision embrumée. Le corps ondula jusqu’à elle puis la dépassa. Mûre Sauvage réprima un grognement. Cette chatte n’avait t’elle donc aucun sentiment ?

La lieutenante suivit de près la guerrière en comprenant où elle voulait aller. L’Arbre aux Chouettes. Elle devait vouloir vérifier dans quel état il était. Comme le feu semblait s’être éteint, ce n’était pas une si mauvaise idée. Idée que Mûre Sauvage aurait du penser en premier, si tous ces sentiments n’altéraient pas son jugement. La chatte courrait un peu derrière sa camarade de clan. Elle feula de douleur quand elle marqua sur une braise encore allumée.
Arrivées sur place, la femelle gradée constata avec soulagement que le grand arbre était encore debout, presque pas touché par les flammes, bien qu’une partie de son tronc soit légèrement calcinée. Mûre Sauvage grimaça. Mais qu’avait donc fait le clan du Tonnerre pour mériter ça de la part des ancêtres ? Puis l’image du chaton qu’avait ramené Pépin de Raisin lui revint à l’esprit. Etait-ce cela ?
- On va où maintenant ?... miaula Pluie Étoilée d'un air impatient.

Un feulement sourd résonna une fois de plus dans la gorge de Mûre Sauvage Mais par le clan des Etoiles, pour qui se prenait-elle ?! Le clan était sans foyer et en deuil bon sang ! Un peu d’empathie ça ferait pas de mal non plus ! Avant que Pluie Etoilée ne se soie tirée en laissait la lieutenante en plan, cette dernière feula, tentant de se contenir un peu :
-Hé ! Quelques uns de tes camarades sont … morts, dans cet incendie ! Et ça te tuerait de montrer un peu de respect à ceux-là ? *une pause * Non. Bien sûr que non ! Toi tu veux juste terminer la « besogne ». Pfff …

Puis elle fit demi-tour et reprit la direction de ce qu’il restait du camp qu’elle venait tout juste de quitter.

Furieuse, la lieutenante du clan du Tonnerre trottinait vivement, une larme au coin de l’œil. Rarement elle ne s’était énervée comme ça contre quelqu’un du clan. Mais là, ça avait été plus fort qu’elle. Elle éternua. Elle s’approchait de plus en plus du brasier éteint. Les cendres retombaient encore des arbres encore debout, tombaient sur la fourrure tigrée de Mûre Sauvage qui se secouait à rythme régulier.
La voici au milieu de ce lieu cataclysmique. Tout ce qu’elle avait connu, l’endroit où elle avait grandi et évolué, n’était plus. Une nouvelle larme perla au coin de son œil. Lentement, elle marchait tout autour du camp, regardant les anciennes tanières calcinées, les corps brûlés au sol, essayant de les sortir de la cendre, ou des arbres sous lesquels ils étaient coincés.
Mûre Sauvage tournait en rond, c’était dur pour elle de voir les corps brûlés de ces camarades de clan. Bientôt, elle se retrouva en face du jeune apprenti qu’elle avait vu mourir la veille. Ecrasé par un tronc enflammé. La gorge de la lieutenante se serra. Elle devait l’enlever de là, ramener son corps au camp provisoire. La guerrière se mit alors à déblayer lentement la cendre autour du défunt, puis tenta de pousser le tronc qui tombait en lambeaux. C’est à ce moment là que Mûre Sauvage aperçut Pluie Etoilée du coin de l’œil. Elle siffla dans ses moustaches. L’autre ingrate s’était enfin décidée à participer à la patrouille.

Un bout de temps s’était écoulé quand les deux femelles commencèrent à se rediriger vers les Rochers du Soleil. Depuis que l’autre guerrière tigrée était arrivée, un silence de mort régnait dans les ruines de l’ancien camp. Mûre Sauvage n’avait pas du tout envie de lui parler, et ne s’était toujours pas calmée. En plus de sa haine qu’elle avait pour sa camarade, une tristesse et un blues intense s’étaient emparés de son cœur. Et ce mélange dangereux pourrait exploser à n’importe quel moment.
- C'est faux, ce que tu as dit, tout à l'heure, dit-elle en évitant le regard de la lieutenante. Ils me manquent autant que toi, je suis aussi déchirée... Mais je ne vais pas le crier à tous les chats de la forêt.

Mûre Sauvage lança un regard meurtrier à Pluie Etoilée. Cette petite idiote ne comprend vraiment rien ! La guerrière aux yeux bleu-vert remuait nerveusement la cendre à ses pattes tant l’envie de se jeter sur l’autre pour lui arracher les moustaches était forte. Avant de repartir vers le camp d’un pas décidé la seconde du clan sans abri feula, d’une voix toujours aussi colérique :
-Et bien si tu te montrais un peu plus concernée par les évènements ça t’éviterait de te faire passer pour une imbécile !