Il devait être midi quand Cœur Pourpre rentra au camp, une grive entre les mâchoire et les pattes tremblantes. Il faisait terriblement chaud dans la forêt, malgré le couvert des arbres. Une véritable étuve. Il ne dirait pas que le camp était pire, mais au moins, les ronces et les orties le protégeraient.
Lentement, le guerrier alla déposer sa proie sur le tas de gibier, bien maigre après le récent incendie, et se choisit un mulot. Au moins, avec ça, il n'affamerait pas le Clan. Mais le simple fait de voir des guerriers maigre set affaiblis lui fendit le cœur. Il faudrait quelques lunes avant que le Clan du Tonnerre se remette de cette catastrophe. Entre les morts de Fraises des Bois et de Plume de Comète, la patte tordue d'Etoile de Clarté et le handicap de Tornade de Luciole... Tout allait mal.
Coeur Pourpre sortit violemment de ses pensées pour oublier sa peur et sa tristesse et mordit dans son rongeur. Manger lui ferait le plus grand bien !
Puis il remarqua Esprit de l'Ange à l'orée de la clairière.
Il lui sourit.
Puis il prit son déjeuner entre les mâchoires, s’approcha de la noiraude et le déposa en face d'elle. Même s'il n'était pas né ici, rien ne lui empêchait d'être gentil et agréable avec ses camarades. Surtout après la catastrophe.



« On partage ? » lança-t-il chaleureusement.

Encore une fois, la chaleur écrasante de  la journée régnait sur le camp. Ce matin, déjà à l’aube il faisait aussi chaud que maintenant. Comme si nous n’avions pas assez de problème depuis l’incendie ! Trop de chats étaient morts, ou blessés. Le gibier avait presque disparu des alentours du camp, et celui qu’on trouvait était minuscule. Et dire qu’on mourrait de faim en plein de la saison des feuilles vertes…Cela me désespérait. Tout le monde était fatigué. J’étais partie en patrouille de chasse le matin, avant qu’il ne fasse trop chaud. Mais nous n’avions presque rien trouvé : un campagnol, et un moineau n’ayant que les plumes sur les os. Bien que nous ne fussions pas sortis longtemps, la chasse nous avait épuisés.

Affalée dans l’herbe sèche, à l’orée de la clairière, mon ventre gargouilla. J’essayai d’ignorer ces grognements, car la réserve était presque vide, et il y avait d’autres bouches à nourrir plus importantes que moi. J’entendis alors les fougères remuer à l’entrée du camp. Je tournai la tête, et aperçut Cœur Pourpre, qui rentrai de la chasse, une petite grive à la gueule. Il s’approcha de la réserve, et y déposa le petit animal encore chaud, et prit à la place le campagnol que j’avais attrapé. Le jeune mâle me vit alors, et me souris. Je lui rendis son sourire, et il s’approcha de moi. Le fumet de la souris me fit saliver.

« On partage ? » me dit-il.

Cœur Pourpre était toujours très gentil, depuis la pouponnière jusqu’à maintenant. Je l’aimais bien, il était sympa.

« Pourquoi pas ? Sers-toi d’abord. C’est moi qui l’ai attrapé ce matin, d’ailleurs. »

Coeur Pourpre se coucha face à la guerrière quand elle accepta son invitation. Il mordit dans la souris à pleine dent, trop affamé pour dire quoi que ce soit. Toutes les saveurs de la forêt se dispersèrent dans sa bouche. Il n'avait pas manger de souris aussi bonne depuis un moment, les autres étant soit affaiblies, soit malades. C'était bon signe, les bois se remettaient de la catastrophe. Les plantes repousseront plus fortes et plus belles, les proies en seront de même.
Cependant, là où le rouquin s'inquiétait, c'était sur leur position par rapport aux autres Clans. Ils avaient été considérablement affaiblis. Si un meneur, comme Étoile de l'Ombre, décidait de les attaquer, ils seraient dans de beaux draps. D'ailleurs, le clan de l'Ombre ne s'était pas beaucoup manifesté. Et le Clan de la Rivière s'était montré bien évasif à leur sujet -apparemment, une guerrière au nom de Museau Obscur se serait occupé du Clan à la place de son père, et ce dernier ne serait plus réapparu, mais impossible de deviner ce qu'il s'était produit.
Une fois Coeur Pourpre rassasié, il tendit la moitié du rongeur à sa voisine. Il se lécha les babines et se passa quelques coups de langue sur le poitrail.



« Délicieuse. » ronronna le matou. « On n'avait pas eu de meilleures proies depuis au moins trois saisons ! »

Laissant Esprit de l'Ange manger à son tour, il lança un regard curieux vers les tanières. Pomme d'Amour semblait sortir. Il apercevait Ciel d'Argent, Aile de Faucon et Mûre Sauavge au coin du bouquet d'Ortie, mais ne savait pas s'ils mangeaient ou discutaient. Fianlement, la malice prit le dessus, et le rouquin lança avec un sourire narquois à la femelle.