Une magnifique journée aujourd’hui. Il avait plu il y’a peu, et cela se ressentait dans l’air. En cette matinée, la bruine tombait toujours d’ailleurs. Mais le soleil perçait les fins nuages du ciel. Nuage de Mûre sortit de la tanière des apprentis après y avoir passé une nuit de sommeil revigorante. En s’étirant, elle sortit du camp en trottinant d’un pas léger.
Depuis un peu moins d’une lune, une chatte du clan de la Rivière avait été faite prisonnière par le Tonnerre. Elle avait été bannie de la Rivière pour une histoire de meurtre où quelque chose comme ça. Elle avait d’ailleurs du sang du Tonnerre, d’après ce que racontaient les anciens. Ce qu’en pensait la novice argentée ? Pas grand chose. Elle ne l’avait jamais croisée et ne lui avait jamais adressé la parole. De toutes façons, elle s’en fichait pas mal des prisonniers du clan, du moment que ça ne la concernait pas. En plus, ça ne la regardait pas.

L’apprentie espionne courait silencieusement –comme son mentor le lui avait appris-, vers la frontière commune avec le clan de la Rivière. Pour deux raisons extrêmement simples. De une, elle avait toujours été curieuse de cet endroit. Pour elle, les Rochers du Soleil sont le lieu le plus convoité depuis de temps immémoriaux, et elle n’avait d’ailleurs jamais compris pourquoi. Ce n’étaient que de simples rochers. Rien de plus. En gros c’était un mystère absolu pour elle. En deuxième raison, parce que la patouille qui avait trouvé la chatte l’avait trouvée là. Et ce serait quand même bizarre qu’elle n’y croise personne !

L’herbe verte et humide lui chatouilla les coussinets jusqu’à ce que le lieu de destination soit en vue. Les Rochers resplendissaient sous le soleil tout pâlot de ce matin. L’odeur d’eau et du clan de la Rivière emplirent son museau. C’est vrai qu’en ce moment ce lieu appartenait à l’adversaire. D’ailleurs, elle venait de penser que si un guerrier ennemi la trouvait si près de la frontière, ça risquait de chauffer pour son matricule ! D’ailleurs, en marchant plus lentement et discrètement, elle vit un jeune chat un peu plus jeune qu’elle, en train de pleurnicher près de la frontière. Quand il la vit arriver, elle s’immobilisa et il miaula :
-Qui est tu ?! Que fait tu ici c'est les rocher du soleil ici et ce territoire appartient au clan de la rivière !

Son caractère de toujours ; impulsive et qui s’emporte facilement ; reprit le dessus. Elle voulut répliquer qu’elle connaissait parfaitement les frontières de son territoire, mais la mine de tristesse absolue du chat devant elle lui faisait vraiment mal au cœur. Elle était peut-être, cœur de pierre en apparence, mais devant un félin avec le moral dans les chaussettes, même ennemi, elle ne pouvait pas lui faire de mal. Elle s’approcha lentement en veillant de ne pas dépasser la frontière d’un millimètre, et miaula des excuses :
-Je .. Je suis désolée. Mais je ne voulais pas dépasser la frontière de toutes façons. Rester de mon coté, c’est tout …

Le matou ne semblant pas vraiment être plus à l’aise ni d’être plus relaxé ou plus joyeux, Nuage de Mûre se risqua à demander :
-Pourquoi es-tu si triste ? Je m’appelle Nuage de Mûre ….

L’apprenti tigré lui faisait vraiment de la peine. La tristesse extrême qu’il devait ressentir transparaissait dans la lueur de ses prunelles. Le chat plus jeune qu’elle semblait vouloir passer pour un fort, mais il en demeurait incapable. En ignorant même ce qu’il avait, Nuage de Mûre avait une envie incroyable de le consoler. Les yeux verts plongés dans ceux du chat de la Rivière, elle se demandait ce qui aurait pu le mettre dans cet état. La perte d’un être cher ? Surement. L’apprenti brun tigré s’assit le plus calmement possible, enroula sa queue autour de ses pattes et s’adressa à Nuage de Mûre solennellement :
-La raison de mon chagrin ne devrait pas te regarder mais puisque que tu me le demandes j'ai l'envie de te raconter Nuage de Mure. Tant que l’on n’y est je me nomme Nuage des Plaines.

Nuage des Plaines semblait être de plus en plus troublé. L’apprentie-espionne s’en voulut presque pendant un moment. C’était après tout un peu sa faute si il devait se remémorer les causes de sa tristesse. L’apprenti de la Rivière respirait bruyamment en tentant de reprendre son calme. Il prit son inspiration avant de miauler, au bord des larmes :
Il y a peu ma mère s'est faite exilée de mon clan. Elle a était accusée de meurtre alors que ce n'est pas elle la meurtrière...

Surprise, Nuage de Mûre écarquilla les yeux et sa bouche s’entrouvrit d’étonnement. Une chatte accusée à tort de meurtre, exilée de son clan … Cette histoire semblait comme déjà entendue aux oreilles de l’apprentie espionne. Dans le camp du Tonnerre, en ce moment même, se trouvait une chatte, Pomme d’Amour, dont l’histoire était très semblable à celle narrée par Nuage des Plaines. C’était forcément elle. Et si Nuage de Mûre avait raison, l’apprenti couleur écorce en face d’elle était son fils. Ce dernier, conscient de l’étonnement de l’autre chatte, commença à avoir une once d’espoir et miaula d’une voix rompue par l’émotion et la tristesse :
-Pourquoi fait tu cette tête ?

Ne pouvant se résigner à ne rien dire au matou, Nuage de Mûre s’efforça d’effacer de son visage son air étonné et miaula, espérant qu’elle avait raison pour le novice :
-Est-ce que ta mère s’appelle Pomme d’Amour ? Si c’est elle, elle est au camp du Tonnerre …